Le récit sur l’arrivée de Léa commence à partir de la rencontre avec la directrice du service qui reprend les éléments du dossier et notamment l’affinité de Béatrice pour avoir une petite fille : « c’est vrai que j’avais une forte attirance pour une petite fille ». Quand Béatrice voit écrit « Léa » sur l’enveloppe posée sur le bureau, le temps semble s’arrêter « j’ai fondu en larme et puis heu… c’était… c’était débordement ». Béatrice est très touchante et me transmet l’émotion de joie et de soulagement qu’elle a ressentie en voyant le prénom d’une petite fille sur l’enveloppe. Ce prénom écrit va lui permettre de devenir mère, cette dernière s’identifie très vite à l’image maternelle : « c’était le bonheur… et c’est notre fille à part entière… on l’a pas conçue mais voilà… ». Béatrice insiste sur le fantasme d’origine de Léa « c’est notre petite puce… comme si elle avait été conçue normalement ». Léa a été conçue normalement mais par un autre couple et Béatrice ne semble pas avoir fait le deuil de la maternité, de la grossesse physique et de la filiation biologique. Elle est consciente de la réalité mais ses fantasmes prennent le dessus et s’exprimeront plus loin dans l’entretien sous forme d’angoisses. En effet, nous verrons la difficulté pour cette nouvelle mère à laisser une place aux parents de naissance et à l’histoire originaire de Léa.
Pour finir, Béatrice inscrit dans son corps l’arrivée de Léa et/ou l’accès au statut de parent : « c’est comme si j’avais accouché ce jour là, pareil, les mêmes émotions étaient là » et rattache son vécu de « devenir mère » au processus de maternité et de maternalité ordinaire. Elle veut malgré tout avoir un enfant comme tout le monde, un enfant « normal ». « Moi l’adoption ça a été… comment dire. J’veux pas dire que ça a été une grossesse à long terme mais heu… c’est ce qu’il fallait faire pour que Léa puisse arriver. Et heu voilà moi, je je, je peux pas la voir autrement que, heu… C’est comme si je l’avais faite. Je suis pas sa mère biologique mais voilà… elle est sortie de mes tripes quand même. » Nous pensons qu’en effet cette maman a vécu cette adoption comme un réel accouchement au sens métaphorique du terme. Elle a donné tout ce qu’elle a pu, que ce soit avant les démarches pour adopter ou après, pour voir apparaître son enfant.
La suite demain… « Etre mère »
Anne-Solène Gatzoff, Psychologue Tresses