De l’autre côté du miroir, des médecins racontent combien le devoir d’annoncer un diagnostic de handicap est aussi une épreuve douloureuse. Le sens même de leur métier est à chaque fois remis en jeu.
A l’opposé de leur vocation de soigner et guérir, ils se retrouvent confrontés aux limites humaines, à devoir annoncer le deuil. Il n’existe pas de médecin heureux de faire l’annonce d’un handicap. Les médecins et le personnel soignant ou social ne sont que peu ou pas formés, et donc peu ou pas préparés. Peu d’heures de cours sont dispensées sur l’ensemble des études universitaires de médecine à propos de l’accompagnement et du soutien aux parents. C’est grâce aux témoignages des parents, parfois longtemps après l’annonce d’un handicap chez leur enfant, que les pratiques ont commencé à évoluer dans les années 80. Ce fut un changement radical, tant les projections professionnelles prenaient la place des ressentis parentaux (Molénat, 2010).
Chacun réagit avec son vécu, son caractère, sa sensibilité, face à des parents dont ils ne connaissent ni le vécu, ni la sensibilité, ni le caractère. Ils sont avant tout des êtres humains, avec leurs propres émotions. Au-delà du vécu personnel, les professionnels savent combien l’annonce du handicap s’inscrit dans la douloureuse perspective de l’inadaptation de la société au handicap et donc des futures épreuves que rencontreront les parents et leur enfant. Enfin, si le diagnostic pose une certitude clinique, il ne peut généralement répondre à toutes les questions relatives aux futures capacités de l’enfant, plaçant le médecin devant la perspective difficile de devoir dire : « Je ne sais pas ». Annoncer le handicap implique de savoir/pouvoir affronter la souffrance des parents. Les médecins développent souvent des mécanismes de défense dont ils n’ont généralement pas conscience.
Les refus d’interrompre une grossesse pour choisir de faire naître l’enfant sont souvent mal supportés par l’équipe médicale. La confrontation au handicap qui sidère la pensée et fige le temps, est une véritable menace pour le professionnel. Un travail social peut et parfois doit précéder ou suivre certains actes médicaux. Il faut alors que des liens de confiance suffisants puissent s’établir entre les différentes équipes. Il faut que chacun garde sa propre identité et que les actions puissent se mener de manière complémentaire. Permettre à un enfant de naître vivant, c’est avant tout lui permettre d’être adopté par ses propres parents et, réciproquement, de se reconnaître comme enfant né de ces parents-là (Titran). Le véritable exercice des professionnels et notamment des psychologues doit consister à repérer à la fois les vulnérabilités fœtales mais aussi les limites de la famille et surtout nos propres limites.
La sécurité affective de l’enfant passe par celle de ses parents, la sécurité des parents passe elle, notamment, par celle des professionnels qui les entourent. La cohérence de l’équipe médicale qui assure la prise en charge du foetus est le seul et faible rempart que l’on peut opposer au désarroi et aux questionnements des parents. De même, la collaboration avec les pédiatres est fondamentale : c’est dans un continuum institutionnel qu’aura toute chance de se recréer ce continuum physiologique foetus-enfant (Fontanges & Ben Soussan
cité par Ben Soussan, 2006).
A suivre…
Anne-Solène Gatzoff, Psychologue Bordeaux
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